La grande omission ?

Faire des disciples : La grande omission ?

1. Notre appel
Nous savons ce que le Seigneur nous a appelés à faire : « Allez… faites des disciples » (Mat 28.19). Son commandement était clair. Nous savons ce que nous devrions faire. Le problème est que peu le font… Nous avons nos réunions d’église, nos études bibliques, nos petits groupes… Mais qui est la personne que je veux accompagner intentionnellement ? Qui est la personne (plus jeune) pour laquelle je vais investir ma sagesse, mon temps et mon énergie, afin qu’elle grandisse dans la foi ?
« Philippe accourut, et entendit l’Ethiopien qui lisait le prophète Esaïe. Il lui dit : Comprends-tu ce que tu lis ? Il répondit : Comment le pourrais-je, si quelqu’un ne me guide ? Et il invita Philippe à monter et à s’asseoir avec lui. » (Act 8.30-31)

2. La valeur du mentorat
Bien que l’église soit le lieu donné par Dieu pour la communion et l’instruction des croyants, il est aussi nécessaire d’envisager un accompagnement plus personnel et plus intentionnel afin de permettre une plus grande croissance. C’est là qu’intervient le mentor spirituel. Le mentorat a pour but de faire grandir une personne à la ressemblance du Christ et à atteindre son plein potentiel à long terme. La dévotion n’est pas une chose instantanée. Il s’agit de créer un environnement permettant de développer une faim et une passion pour le Christ.
Aujourd’hui, le besoin majeur consiste à redécouvrir ce que signifie faire des disciples. En bref, une relation de mentorat spirituel est une relation dans laquelle un jeune croyant est accompagné par un croyant plus mûr, pendant une saison de sa vie, afin de devenir plus fort dans la foi et d’être équipé pour le ministère.

3. Qu’est-ce qui caractérise une relation mentor-disciple ?
a. C’est un investissement constant
Paul a dit à Timothée de rechercher des personnes fiables et qualifiées (2 Tim 2.2). Les mentors devraient investir de manière cohérente leur temps et leur énergie dans des personnes fidèles et fructueuses. Ils devraient les aimer, les encourager et les affermir dans leur foi. Challenger, corriger, réprimander et exhorter font aussi partie de la formation. Les mentors devraient dépenser leur temps et leur argent pour construire des relations profondes.
Paul a dit dans 1 Cor 11.1 : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ. » Derrière lui, il y avait Timothée, Tite, Silas et une foule d’autres personnes. Ils le suivaient parce qu’il avait investi en eux. Il leur avait appris à vivre, à fonder des églises, à faire des disciples et à accomplir l’œuvre du Seigneur. Paul les a exhortés à mettre en pratique tout ce qu’ils avaient vu et entendu de lui. Ils l’admiraient et voulaient un modèle pour les aider à comprendre à quoi ressemble le fait de suivre Jésus. Cela implique tout, des tâches ménagères à la gestion des finances et des relations, en passant par la prédication et les entretiens pastoraux. S’épanouir en suivant, en apprenant et en servant toute sa vie est une source d’inspiration pour les autres.
Un bon mentor donne l’exemple de sa propre vie et partage sa sagesse afin que son disciple puisse faire face aux défis actuels et répondre correcte-ment à la question « Comment pour-rions-nous (ou devrions-nous donc) vivre ? » (Éz 33.10).

b. C’est un processus intentionnel et à long terme
Notre société devient de plus en plus instantanée, avide de succès et de connaissances immédiates. En revanche, le discipulat est un processus intentionnel et à plus long terme.
Suivre, apprendre et servir exigent un travail soutenu, continu et progressif pour nous faire « mûrir en Christ ». Non seulement la société pousse à l’instantanéité, mais elle peut aussi nous amener à confondre la vie de disciple avec la simple acquisition d’informations (via notre intellect uniquement). On suppose à tort qu’une acquisition accrue d’informations équivaut à la maturité des personnes, ce qui, si cela était vrai, rendrait le processus de formation de disciples largement obsolète. Le véritable discipulat chrétien n’est pas instantané. C’est un processus au long cours.

c. C’est une approche holistique
La formation de disciple concerne tous les aspects de notre vie. Lorsque nous cherchons à encadrer un jeune croyant, il est important d’aborder l’individu dans son ensemble. Cela signifie que la formation de disciple doit se concentrer sur l’esprit, le cœur et la volonté. Pour façonner en nous une vision biblique du monde, notre esprit doit être renouvelé par la vérité de Dieu. En plus d’acquérir sagesse et perspicacité à travers les Écritures, les affections de notre cœur doivent également être transformées afin que nous grandissions dans l’amour du Seigneur et de notre prochain. Paul disait à Timothée que le but de son instruction était l’amour (1 Tim 1.5). Un disciple est également appelé à prendre les bonnes décisions face aux multiples questions de la vie. En faisant des choix qui honorent Dieu, il approfondira sa relation avec Lui. En suivant son chemin avec une conscience pure devant Dieu et devant les hommes (Act 24.16), il se réjouira de la paix par laquelle Dieu confirme sa direction.

4. Construire une relation durable
Un mentorat efficace nécessite l’entretien d’une relation toujours plus profonde. Le mentor aide à façonner l’individu à la lumière des responsabilités et des opportunités auxquelles il est confronté dans les domaines de la vie et des relations. Le mentor prend l’initiative d’établir des moments réguliers (notamment de discussion) avec celui pour lequel il s’investit, se familiarisant avec sa routine et ses relations habituelles.
Comme nous l’avons dit plus haut, le contenu d’une rencontre men-tor-disciple ne doit pas se concentrer uniquement sur la transmission d’informations. Lorsque Jésus a choisi les 12, il ne les a pas invités dans une salle de classe, une conférence ou un séminaire. Au contraire, Jésus a établi une relation avec eux. Marc 3.14 nous dit que Jésus les avait appelés « pour être avec lui ». Jésus est allé chez eux (cf. Marc 1.29) ; il s’est rendu là où ils travaillaient (cf. Luc 5.1-11) ; il a assisté aux dîners qu’ils organisaient avec leurs amis (cf. Mat 9:10). Il a initié des moments privés avec eux, en se mettant à l’écart des lieux publics, pour des retraites et des conversations sérieuses (cf. Marc 9.28-35).
Le discipulat biblique est une formation sur le tas. Elle concerne tous les domaines de la vie et envisage la transformation en Christ par des rencontres régulières qui changent la vie. Si nous voulons aller en profondeur dans une relation de disciple, nous devons devenir de vrais amis. La relation devient comme une famille. Cela signifie passer beaucoup de temps ensemble, se détendre, jouer et travailler.

5. Créer un environnement sûr
Le mentor doit s’efforcer de faire de la rencontre avec le disciple un environnement sûr où tous deux peuvent partager leur vie de chrétiens. Il est important qu’ils restent connectés l’un à l’autre dans une relation authentique où la vérité est dite avec grâce et amour. Une telle relation doit permettre de confesser leurs péchés l’un à l’autre (Jac 5.16), et garantir que la restauration puisse avoir lieu.
L’objectif d’une rencontre devrait être d’avoir une forme de dialogue, où l’on est ouvert à la discussion de points de vue différents sur un sujet. Il doit y avoir de l’espace pour pratiquer de nouvelles compétences (y compris la prise de risque) et apprendre de ses erreurs. L’échec n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Il peut donner des indications précieuses qui sont nécessaires pour les étapes futures. En particulier pour les jeunes qui sont encadrés, un endroit sûr leur permet de partager librement lorsqu’ils ont échoué, que ce soit dans une tâche liée au ministère ou bien sur le plan personnel.

6. Quelques recommandations
a. Préparez la rencontre.
Dans la relation mentor-disciple, gardez le contact aussi hors des moments de rencontres (téléphone, SMS, etc.). Commencez les sessions en face à face par la prière, puis concentrez-vous sur la personne en lui demandant comment elle va et comment elle fait face aux défis. Cela sera normalement suivi d’une révision des devoirs avant d’aborder d’autres sujets. Une relation de mentorat ne consiste pas simplement à se réunir « selon que le Seigneur dirige ». Que vous conceviez un programme très basique ou sophistiqué, l’important est d’avoir quelque chose de prévu pour chaque réunion.

b. Posez des questions.
Le Seigneur Jésus enseignait souvent en posant des questions. Un bon mentor ne fait pas la morale, mais pose des questions ouvertes qui aident le disciple à réfléchir sur un sujet pour trouver lui-même les réponses à ses questions et pour découvrir la voie à suivre.

c. La fin du mentorat.
Dans le mentorat, il doit y avoir une clôture. Le mentorat dure une saison, après laquelle une évaluation a lieu. Quels ont été les obstacles qui ont empêché le disciple de faire des pas en avant ou de rester engagé ? Les devoirs ont-ils été utiles ? Dans quel domaine de la vie le disciple a-t-il connu la plus grande transformation ? La décision peut alors être prise de prolonger les rencontres ou de les clore. Il y a un risque de développer une dépendance envers le mentor si la relation se prolonge trop longtemps. Si la clôture est obtenue, profitez de la dernière session pour jeter les bases du début de la chaîne de mentorat en mettant le disciple au défi de trouver quelqu’un qu’il pourra à son tour guider.

7. Comment identifier un bon mentor ?
Premièrement, il faut être un disciple avant de pouvoir faire un disciple. On apprend le plus des croyants matures dont la foi a résisté à l’épreuve du temps. Ils ont marché avec le Seigneur pendant des années et sont marqués par la constance et la sagesse. Lorsque l’on considère les qualités à rechercher chez un mentor, Tite 2.2-3 fournit un aperçu utile :
« Dis que les vieillards doivent être sobres, honnêtes, modérés, sains dans la foi, dans l’amour, dans la patience. Dis que les femmes âgées doivent aussi avoir l’extérieur qui convient à la sainteté, n’être ni médisantes, ni adonnés aux excès du vin ; qu’elles doivent donner de bonnes instructions ».
On pourrait considérer ces quatre questions pour identifier un bon mentor :

a. Comment la personne vit-elle ?
Paul exhorte les croyants plus âgés à être dignes, maîtres d’eux-mêmes et respectueux dans leur comportement.
Leur conduite est un exemple de leur caractère. Observez leur vie et réfléchissez : Sa vie reflète-t-elle sa foi ? Est-ce qu’il sert avec humilité ? Ses habitudes quotidiennes reflètent-elles une obéissance fidèle à la parole de Dieu ? Un bon mentor réfléchit attentivement à sa manière de servir les autres.

b. Que dit la personne ?
Paul encourage la sobriété d’esprit, ainsi que le bon usage de la langue. Écoutez ce que la personne dit et demandez-vous : Fait-elle preuve de sagesse dans ses paroles ? Fait-elle des commérages sur les autres ou parle-t-elle avec méchanceté de son mari ou de ses amis ? Se plaint-il souvent ? Nos mots ont de l’importance, ils reflètent les attitudes et les inclinaisons de nos cœurs. Un bon mentor est prompt à écouter et lent à parler. Ses paroles sont encourageantes, pleines de reconnaissance et honorent Dieu.

c. Qu’est-ce qui gouverne le cœur et les affections de la personne ?
Paul précise que les croyants plus âgés doivent être aimants, constants, et ne pas être alcooliques (esclaves du vin). Cherchez un mentor qui recherche son plaisir en Dieu et qui se réjouit avec le psalmiste : « Il y a d’abondantes joies devant ta face » (Ps 16.11). Réfléchissez à ces questions : Possède-t-il une discipline intérieure concernant les plaisirs du monde ? Fait-il de plus en plus confiance à Dieu pour sa joie et son contentement ? Typiquement, les croyants matures débordent de chaleur et de bonté qui proviennent d’années passées en présence de Dieu.

d. Qu’est-ce qui gouverne l’esprit de la personne ?
Paul déclare que les hommes doivent être sobres d’esprit et que les femmes doivent enseigner ce qui est bon. Un bon mentor est une personne qui passe régulièrement du temps à lire sa Bible. Au fur et à mesure que la Parole transforme son esprit, il parlera avec sagesse et l’instruction fidèle sera sur sa langue. Il ne s’agira pas nécessairement d’un enseignement formel sur une estrade, mais la Parole débordera naturellement dans ses conversations. Personne ne remplit toutes ces caractéristiques tout le temps. Tout croyant mature lutte contre le péché. Il ne faut pas chercher un disciple parfait, mais un croyant mûr qui désire progresser continuellement dans sa foi. Sa vie, ses paroles et ses affections sont de plus en plus marquées par un amour et une dévotion pour Jésus.

8. Comment identifier le disciple ?
Le mentorat, comme nous l’avons vu, concerne les relations. Les relations de mentorat intentionnelles sont généralement initiées par le mentor. Bien qu’il n’y ait pas de règle absolue à ce sujet, l’exemple biblique de Jésus prenant l’initiative avec ses disciples a du poids à nos yeux. Le mentor, en tant que personne plus expérimentée, identifie le disciple, ce qui déclenche souvent la relation parce que cela transmet confiance et affirmation. Comment identifier un disciple ? Voici quatre éléments fondamentaux à rechercher :

a. Engagement et potentiel.
Les personnalités fortes et directes ne sont pas toujours celles qui ont le plus de potentiel ni qui sont les plus engagées.

b. Compatibilité.
Il doit y avoir un sentiment d’adéquation entre les deux personnes, car c’est ce qui permet d’établir la confiance et l’engagement qui sont essentiels à une relation honnête. Une trop grande différence d’âge n’est pas recommandée. Les points qui aident à cimenter la relation sont des choses comme les intérêts, les talents, les dons.

c. Adéquation.
Le mentor a-t-il ce dont le disciple a besoin en termes de compétences et d’expérience ? Cette question doit être abordée honnêtement sans être trop spiritualisée. Ne supposez jamais que nous avons toutes les connaissances sur tous les sujets.

d. La disponibilité.
Le danger numéro un de la relation de mentorat, comme dans toute relation, est le manque de temps. Le mentorat exige un engagement de temps, mais implique aussi de se rendre accessible. La « phase de jumelage » exige une réflexion, accompagnée par la prière, avant qu’il y ait un engagement éta-bli pour faire avancer la relation de mentorat. Il est également tout à fait acceptable de s’éloigner à ce stade et de reconnaître éventuellement qu’il n’y a pas de compatibilité. Le mentorat exige une décision et un engagement mutuels de la part du mentor et du disciple.

9. Conclusion
Le mentorat a le potentiel de transformer des individus pour la vie, mais cela n’a pas de prix. Pour vous, le mentor, il vous faudra investir du temps et de l’énergie pour vous préparer, planifier les réunions et vous rencontrer. Mais il s’agit probablement de l’investissement le plus important qu’une personne puisse faire dans sa vie, car si elle est menée selon le modèle du Christ, une relation de mentorat a le potentiel de transformer des dizaines de vies. La relation de mentorat se mesure aux heures et aux jours qui lui sont consacrés, mais son impact se mesure sur toute une vie, jusque dans l’éternité.

Quelques questions pour conclure : Qui est vraiment votre modèle dans la vie ? Dans quoi et pour qui investissez-vous votre énergie ?

Par Frederic Walraven – Publié dans Promesses n° 219, Janvier-mars 2022- Sujet: Vie chrétienne
Walraven Frederic
Frederic Walraven
Frederic Walraven a été missionnaire au Cameroun pendant de nombreuses années. Il vit maintenant aux Pays-Bas, son pays d’origine, où il continue à servir le Seigneur comme ancien dans son église et dans un ministère d’enseignement en Europe. Il est marié et père de trois enfants.

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