La dépendance financière des églises établies par les missions : problèmes et enjeux
(Note : Si vous souhaitez approfondir ce sujet, nous vous recommandons les écrits de Monsieur GLENN SCHWARTZ, Directeur de « WORLD MISSION ASSOCIATES ». Site internet : www.wmausa.org)
Au seuil de ce 21ème siècle, l’un des problèmes majeurs concernant la croissance du christianisme est la dépendance des fonds extérieurs, que beaucoup d’églises, fondées par des missions occidentales, entretiennent.
1/ Le Syndrome de la dépendance financière extérieure.
En général, les leaders d’organisations missionnaires et les leaders des églises concernées sont très embarrassés par ce sujet. Ils savent que cette situation est malsaine pour tous, sans en connaître véritablement le pourquoi, et comment la résoudre.
–> Certains pensent que les églises « financièrement dépendantes » constituent un fait normal, et que rien ne pourra le changer. Ils ne voient rien de mal au fait que les églises d’occident soutiennent d’autres églises, dans d’autres parties du monde.
Ils ne voient pas la nécessité d’établir le principe d’autonomie financière de chaque église, du moment que, sur la terre, certains croyants ont plus de richesses que d’autres.
Certains occidentaux ressentent une certaine culpabilité d’ « être plus aisés », et ils nourrissent implicitement ce système, en cherchant des « partenaires » à sponsoriser.
–> Certains missionnaires ont vécu pendant des années avec un idéal d’autonomie financière, pour les églises autochtones qu’ils implantaient. Mais celles ci ont pris d’autres chemins.
Avec le temps, ils se sont résignés à pourvoir aux besoins, et à solliciter de l’aide extérieure.
Dans certains cas, ces missionnaires résistent même à l’idée de couper l’aide financière extérieure, car les projets qu’ils ont entamés s’arrêteraient, ou se termineraient par un échec !
–> Parmi les leaders des églises autochtones : certains ont été formés par des fonds extérieurs, et ils continuent à recevoir un salaire depuis l’étranger. Ils sont arrivés à la conclusion que leurs gens sont « trop pauvres » pour soutenir leurs églises, notamment pour financer les projets de développement, et entretiennent le système.
Malheureusement, ces églises n’ont jamais la joie d’envoyer leurs propres missionnaires. Certaines sont même incapables de soutenir leur pasteur, ou d’implanter d’autres églises !
–> Dans certains endroits (par exemple : ex Union Soviétique) des autochtones ont planté des églises autonomes. Mais face aux pressions financières, ils cherchent à se relier à des frères, des églises ou missions qui vont les aider avec des fonds extérieurs.
Dans certains cas, ces étrangers les visitent pour quelques jours, puis commencent à les aider pour le salaire du pasteur, ou la construction des bâtiments, etc. Dans ce genre de situation, le syndrome de dépendance se développe en un temps très court.
Les « grands frères occidentaux » peuvent satisfaire leur désir « d’aider » : ils ont passé un bon voyage missionnaire, en s’appropriant des églises devenues aujourd’hui dépendantes !
–> Mais il y a aussi de bonnes nouvelles :
- Il y a ceux qui avaient l’habitude d’être dépendants, et qui ont fait la transition pour soutenir leur propre ministère avec des ressources locales. Ces églises manifestent de la joie, un sens de la dignité, parce qu’elles expérimentent la faveur de Dieu, grâce au pas de foi qu’elles ont accompli.
- Il y a aussi ceux qui se sont engagés à implanter de nouvelles églises qui sont autonomes dès leur fondation. Ils savent dès le départ qu’en annonçant l’Evangile, les gens peuvent immédiatement entrer dans une relations juste avec Dieu, sans développer de dépendance malsaine à l’égard d’un soutien étranger.
2/ Comment les Apôtres de Jésus prêchaient-ils la Bonne Nouvelle ?
En regardant le Nouveau Testament, nous voyons que les apôtres, et notamment Paul, n’utilisaient aucun fond extérieur pour implanter des églises.
Les seuls transferts de fonds d’église à église, dans le Nouveau Testament, venaient des champs de mission en direction de « l’église – mère » de Jérusalem, afin d’aider les pauvres (Actes 11,29 -30 / 2 Corinthiens 8)
De nos jours, il paraît tout aussi évident que le soutien financier extérieur n’est pas essentiel pour la croissance et le développement du mouvement chrétien. Voici des exemples actuels :
- En Ethiopie en 1938, on recensait environ 100 chrétiens, suite aux efforts missionnaires du début du 20ème siècle. Les missionnaires durent partir à cause de la 2ème guerre mondiale.
- Quand ils revinrent 5 ans plus tard, en 1943, l’église s’était développée jusqu’à 10 000 membres, sans apport financier extérieur.
- En Chine : dans les années 1950, les missionnaires et les fonds étrangers ont du s’en aller. Dans les 50 années suivantes, le nombre de chrétiens est passé de 1 million à 80 millions.
- En Nouvelle Guinée – Papouasie : une société missionnaire a implanté 200 églises dans ce pays. A l’anniversaire des 20 ans de ces églises, les chrétiens de Nouvelle Guinée ont envoyé des billets d’avion aux missionnaires, en Amérique, pour les inviter à la célébration !
Il est donc possible d’implanter des églises, sans créer de dépendance financière !
3/ Missions et Eglises doivent définir leur politique financière.
- Comment les églises et organisations missionnaires choisissent-elles d’orienter leurs fonds ?
- Quel type d’églises veulent-elles implanter ou encourager sur le champ missionnaire ? Depuis un siècle, le mot d’ordre des missions a été d’établir des églises capables de se gouverner elles-mêmes, de s’auto-financer, et de se multiplier par elles-mêmes.
Rappelons nous que la structure missionnaire n’est qu’un « échafaudage » : elle n’est pas faite pour durer, ni pour rester.
- Donnons-nous priorité aux terrains non-atteints et à l’Evangélisation pionnière, ou bien préférons-nous « entretenir » des églises établies ?
- Si nous sommes partenaires avec des églises au loin, est-ce pour les aider à réaliser un programme orienté vers l’Evangélisation des non- atteints de leur pays ou un programme missionnaire ?
Ressources locales ou ressources mondiales ?
Beaucoup pensent que pour achever la tâche d’évangélisation mondiale, il faut prendre les ressources là où elles se trouvent, dans les pays riches. Ainsi, on pense qu’il vaut mieux utiliser les ressources globales pour accélérer ce processus, parce que les ressources locales sont plus difficiles à lever,.
Or, pour éviter la dépendance, il est toujours meilleur de stimuler l’utilisation des ressources locales, même si au départ les choses semblent aller moins vite !
Quand les ressources globales remplacent les ressources locales de façon habituelle, cela signifie que trop d’argent est envoyé vers des églises existantes, qui devraient se prendre en charge, alors que dans d’autres lieux l’Evangile n’est pas prêché, parce que cet argent n’est pas disponible…
4/ Les dangers d’introduire des fonds extérieurs.
La dépendance financière affecte la manière dont les gens perçoivent et reçoivent l’Evangile :
- Ils assimilent Evangile et bénéfices matériels : il y a quelque chose de faussé à la base, dans une telle assimilation !
- Ils se « convertissent » en pensant en arrière plan, recevoir des avantages matériels.
- Ils risquent de passer à côté des principes de base de l’Evangile : une fois qu’ils ont reçu le salut, vont-ils comprendre la nécessité de « se donner entièrement à Christ », et le principe de redonner à Dieu une partie de ce qu’il nous donne (la dîme) ?
Les autochtones deviennent convaincus que leurs propres ressources sont insignifiantes, sans valeur aux yeux de Dieu – et à leurs propres yeu.
Ils sont entretenus dans une mentalité de pauvreté, et vont confesser celle ci !
- Ainsi, l’on perpétue le syndrome de dépendance.
- On oublie que Dieu est capable de multiplier ce qu’on Lui apporte en offrande (voir la multiplication des pains et des poissons pour nourrir une foule).
- Nous privons les autochtones de la joie de donner à Dieu une part de ce qu’ils ont reçu de Lui. Regardons attentivement 2 Corinthiens 8,2-5 : les Macédoniens étaient pauvres, mais ils ont supplié Paul de pouvoir donner à d’autres plus pauvres, et ils ont produit d’abondantes libéralités ! Et si Paul les avait considérés comme « trop pauvres » ???
Mobiliser des fonds étrangers détruit l’initiative locale.
Dans certains cas, cela peut même tuer le marché local et les ressources disponibles sur place (ex du marché de céréales de la Zambie, lors d’une sécheresse en 1984).
En cas de catastrophe naturelle ou situation d’urgence, l’apport extérieur est souvent indispensable et bénéfique. Mais attention : les dons exceptionnels ne doivent pas laisser la communauté encore moins capable de se prendre en charge, une fois que les dons sont fournis
Les donateurs (occidentaux) n’ont pas toujours des motivations saines : ils ont besoin de déverser leurs excédents de ressources, ou bien sont animés d’une pitié mêlée de culpabilité, sans se soucier de savoir si leur aide crée de la dépendance ou non.
- Les églises des pays pauvres n’ont souvent pas assez de maturité ou de recul par rapport aux « offres » extérieures. Les dirigeants doivent analyser honnêtement si tel apport d’argent va améliorer la santé spirituelle de la communauté. Pourront ils refuser un don, s’ils peuvent réaliser leur objectif avec les ressources locales, et ainsi avoir la joie de « marcher sur leurs deux pieds » ?
- L’influence occidentale importe dans les églises des modèles et des besoins qui ne correspondent pas aux réalités du contexte matériel local (ex :le style de constructions des bâtiments d’églises)
Introduire des fonds étrangers pour soutenir les besoins locaux détruit le sentiment de « propriété » et le « sentiment d’appartenance ».
L’introduction d’argent étranger et le fait que les décisions soient prises par des étrangers détruisent le sens de la propriété chez les autochtones.
- Si les idées viennent de l’extérieur, les autochtones n’ont plus besoin de donner les leurs !
- Comme les expatriés veulent aller vite, les initiatives locales, souvent plus adéquates, n’ont pas le temps de venir à la surface.
- Danger : les missionnaires sont souvent soutenus pour ce qu’ils font (et non pour ce qu’ils sont !). Il sont inconsciemment poussés à réaliser des projets, « produire des résultats » en un temps donné… C’est ainsi que beaucoup de projets initiés par des missionnaires tombent dans l’abandon, car ils sont ingérables par la suite pour les autochtones !
- Autre danger : quand l’argent vient d’ailleurs, les autochtones eux-mêmes sont poussés à initier des choses qui plaisent aux donateurs, même si elles ne correspondent pas aux besoins prioritaires locaux, ni aux méthodes locales.
5/ Quelles sont les solutions à apporter ?
A) Ceux qui envoient en mission (qui créent souvent la dépendance), comme les églises autochtones (qui bénéficient des fonds étrangers) doivent adopter une nouvelle manière de penser en ce qui concerne les moyens de soutenir la croissance des églises.
Il faut briser de vieilles habitudes, et abandonner d’anciennes pratiques qui sont devenues malsaines. Il n’ y a pas de solution rapide et facile !
B) Reconnaissons quelles sont les causes profondes qui engendrent et perpétuent la dépendance
Ayons le courage d’abandonner ces pratiques : il faudra pour cela beaucoup de détermination de la part de tous !
- Cherchons à résoudre les difficultés locales autrement qu’avec de l’argent étranger !
- Il y a un grand prix à payer pour passer de la dépendance à l’autonomie :
- Des leaders autochtones auront à dire « non merci » à certaines propositions de financement extérieur. D’autres devront avoir le courage de demander l’arrêt de leur soutien régulier, en provenance de l’étranger.
- Ceci s’est produit en Afrique de l’Est dans les années 1970 : des dirigeants d’églises ont décidé de ne plus percevoir leurs salaires, versés depuis outre-mer. Il s’est alors produit une mobilisation financière exceptionnelle dans les églises, qui ont non seulement soutenu leurs pasteurs, mais aussi payé leurs bâtiments et leurs propres véhicules.
C) Pour cela, il est essentiel d’enseigner et établir dans les églises les principes bibliques de la gestion financière.
D) Reconnaissons que les églises en bonne santé ne sont pas celles dont les leaders ou les membres regardent constamment vers l’étranger pour recevoir leur soutien.
Regardons plutôt vers ceux qui ont appris la joie et la satisfaction de rendre au Seigneur quelque chose qu’Il leur a donné !
E) Les croyants des églises dépendantes doivent apprendre ce qu’est le sentiment de « vraie propriété personnelle ».
- Lorsque les croyants prennent conscience qu’ils sont propriétaires de leur propre église et de son fonctionnement, ils ont un nouveau sens de la responsabilité. Ils vont alors trouver des ressources locales qu’ils ne soupçonnaient pas auparavant. Ils auront à cœur de soutenir leur pasteur, prendre en charge leurs besoins matériels, etc.
- C’est seulement quand la « propriété locale » est bien établie, que les chrétiens découvrent la joie de soutenir par eux-mêmes. Tant que les fonds arrivent de l’étranger, les gens cherchent toujours quelqu’un qui pourra faire ou payer à leur place…
F) Apprenons aux chrétiens à voir les ressources locales. Trois ressources au moins sont toujours à la disposition des pays pauvres :
- La force de travail de la population (voyons l’exemple du Japon, qui n’a aucune ressource naturelle dans son pays, mais qui sait utiliser le travail de sa population)
- La terre cultivable. La terre est la première ressource donnée par Dieu à l’homme. Mais de plus en plus, l’agriculture est négligée à cause de l’urbanisation.
- La solidarité de la famille élargie (avec ses avantages et ses inconvénients) est une ressource locale puissante, surtout pour faire face à des situations de crise (ainsi, au Ghana, 1 million d’immigrés, chassés du Nigéria, ont pu être réintégrés, grâce aux liens familiaux).
G) Donnons toujours priorité aux ressources locales, par rapport aux ressources mondiales ou extérieures.
C’est ainsi que les croyants prennent leurs responsabilités, et que leur sentiment de dignité personnelle est le mieux préservé.
- Certains pensent que l’occident est riche, donc il doit « aider » dans tous les cas !
- Il est cependant préférable de mobiliser d’abord au maximum les ressources locales, et appliquer le principe de « proximité géographique ». Cela encourage les gens à entreprendre des initiatives, et à s’aider eux-mêmes.
L’aide extérieure est indispensable dans certains cas : le défi est de faire en sorte que les ressources et aides externes ne viennent pas détruire le peu de ressources locales existantes, et ne laissent la communauté encore plus dépendante et passive.
H) Réfléchissons à tous les fonds qui sont versés pour « entretenir » des églises, alors que ces mêmes fonds devraient être orientés pour évangéliser des peuples « non-atteints ».
Une bonne nouvelle : la dépendance peut être vaincue, elle n’est pas irrémédiable !
- Cependant, il faut un réel réveil spirituel pour résoudre ces questions. C’est en ayant d’abord une vraie vie spirituelle, que l’on pourra mettre en place une bonne gestion.
- Nous voyons l’importance d’établir des églises qui s’auto-suffisent sur le plan financier, et qui se multiplient sur ce principe.
- Nous devons sensibiliser les leaders des églises autochtones à prendre une totale responsabilité de l’appropriation des projets de l’église locale.
L’initiative locale vient d’une vision locale, et du sentiment d’être propriétaire de l’œuvre. Cela ne se réalise qu’avec des fonds locaux. Cela va moins vite au départ, mais si l’on injecte de l’argent extérieur pour aller plus vite, on risque de développer une mentalité de parasite.
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