1. La mission dans l’Ancien Testament
Le terme « mission » désigne le service que Dieu confie à son peuple en l’envoyant dans le monde. Notre Dieu est un Dieu missionnaire. Au travers du peuple d’Israël, Dieu voulait exécuter son plan de rédemption. Il voulait que toutes les nations le servent : « Il dit : C’est peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et pour ramener les restes d’Israël, je t’établis pour être la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu’aux extrémités de la terre. » (És 49.6)[1]
Dieu envoya d’abord Abraham, lui ordonnant de quitter son pays et sa famille pour aller vers l’inconnu, avec la promesse de le bénir et de bénir le monde au travers de son obéissance (Gen 12.1-3). Puis il envoya Joseph en Égypte, allant jusqu’à utiliser la méchanceté de ses frères pour préserver un reste qui lui appartienne sur la terre pendant la famine (Gen 45.7-8). Il envoya ensuite Moïse vers son peuple opprimé en Égypte, lui confiant la bonne nouvelle de la liberté.
Après l’Exode et l’établissement des Israélites dans leur nouveau pays, Dieu envoya des prophètes, les uns après les autres, chargés de transmettre à son peuple ses avertissements et ses promesses : « Depuis le jour où vos pères sont sortis du pays d’Égypte, jusqu’à ce jour, je vous ai envoyé tous mes serviteurs, les prophètes, je les ai envoyés chaque jour, dès le matin. Mais ils ne m’ont point écouté. » (Jér 7.25-26)
Après leur captivité à Babylone, Dieu ramena avec bienveillance les Israélites dans leur pays, en envoyant encore avec eux des messagers afin de les aider à rebâtir le temple et la ville, et à reconstruire leur vie nationale. Finalement, « lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme, né sous la loi, afin qu’il rachète ceux qui étaient sous la loi » (Gal 4.4-5). En dernier lieu, le Père et le Fils envoyèrent le Saint-Esprit au jour de la Pentecôte.
Tous ces éléments constituent le fondement biblique indispensable à toute compréhension de la mission. La mission est d’abord celle de Dieu ; c’est en effet lui qui envoie ses prophètes, son Fils et son Esprit.
2.La mission à l’image de Christ
La mission du Fils est la mission centrale, car elle est l’aboutissement du ministère prophétique, et elle englobe l’envoi de l’Esprit qui en est le point culminant. Dès lors, le Fils envoie des hommes, comme il a lui-même été envoyé. Pendant son ministère public déjà, il envoya en mission les douze apôtres, puis les soixante-dix disciples ; c’était une sorte d’extension de son propre ministère de prédication, d’enseignement et de guérison. Après sa mort et sa résurrection, il étendit la portée de la mission pour y inclure tous ceux qui l’appellent Seigneur et se disent ses disciples : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Jean 20.21)
2.1 L’incarnation de Christ : le modèle de la mission
Le Fils de l’homme fut envoyé dans le monde. Il est réellement devenu l’un de nous. Il a fait l’expérience de notre fragilité, de nos souffrances et de nos tentations. Il est venu et s’est donné lui-même en service désintéressé pour les autres, et son service prit une grande variété de formes selon les besoins des hommes. Il a servi en action autant qu’en paroles. Aujourd’hui, Christ nous envoie, comme le Père l’a envoyé. C’est pourquoi notre mission, comme la sienne est une mission de service : « Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ : existant en forme de Dieu, il n’a point regardé son égalité avec Dieu comme une proie à arracher, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et il a paru comme un vrai homme. » (Phil 2.5-7) Toute mission véritable est une mission d’incarnation. Elle exige une identification sans perte d’identité. Cela veut dire entrer dans le monde des gens, comme le Christ est entré dans le nôtre, sans pour autant que nous renoncions à nos convictions chrétiennes, à nos valeurs et à nos principes.
Il nous est plus naturel de crier l’Évangile aux gens à distance que de nous impliquer nous-mêmes profondément dans leurs vies, de nous plonger dans leur culture et leurs problèmes et de souffrir avec eux dans leurs peines. C’est ainsi que l’exprime l’apôtre Paul : « Car, bien que je sois libre à l’égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Avec les Juifs, j’ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi (quoique je ne sois pas moi-même sous la loi), afin de gagner ceux qui sont sous la loi; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi (quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ), afin de gagner ceux qui sont sans loi. J’ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver de toute manière quelques-uns. » (1 Cor 9.19-22)
2.2 La croix de Christ : le prix de la mission
De nos jours, l’un des aspects les plus négligés de la mission au sens biblique est la place indispensable que la souffrance, voire la mort, y occupe. Pourtant, l’Écriture l’enseigne clairement. Il nous est présenté dans le serviteur souffrant d’Ésaïe (És 53.3). Jésus lui-même a enseigné ce principe, l’a mis en pratique dans sa vie et l’a imposé à ses disciples : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle. » (Jean 12.24-25)[2] L’apôtre Paul s’est appliqué ce principe : « Aussi je vous demande de ne pas perdre courage à cause des afflictions que j’endure pour vous : elles sont votre gloire. » (Éph 3.13)[3]
Tôt ou tard, la mission aboutit à la passion. Dans la conception biblique, le serviteur doit souffrir ; c’est ce qui rend la mission efficace. Toute forme de mission conduit à la croix. Ce n’est pas un hasard si, en grec, « témoin » se dit « martyr ». On dit que l’Église a été construite sur le sang des missionnaires. L’histoire de l’Église est remplie de récits de persécutions. Les souffrances sont parfois physiques ; à d’autres moments, les souffrances endurées ont été davantage morales que physiques.
La fille du général Booth (fondateur de l’Armée du Salut) écrivit de sa prison : « Jésus a été crucifié […] Depuis ce jour, les hommes ont toujours cherché une voie plus facile, mais les voies les plus faciles ne mènent nulle part. Si vous voulez gagner des milliers d’hommes et de femmes qui sont sans Dieu, soyez prêt à être crucifié, vous et vos projets, vos idées, vos préférences et vos désirs. Vous dites que les choses ont changé et que nous vivons sous un régime de liberté. Vraiment ? Sortez et vivez comme le Christ a vécu, parlez comme il a parlé, enseignez ce qu’il a enseigné, dénoncez le péché partout où vous le constatez, et vous verrez si l’ennemi ne s’élancera pas contre vous avec toute la furie de l’enfer ! »
Il existe également une souffrance sociale. Le missionnaire est essentiellement un martyr social, coupé de ses racines, de sa famille, de son sang, de son pays, de son arrière-plan, de sa culture… Il doit se dévêtir volontairement de sa culture pour devenir l’instrument nu de l’Évangile pour les cultures du monde.
L’Évangile d’un Christ crucifié demeure une folie pour le monde. Sommes-nous prêts à supporter la souffrance, prêts à mourir au confort et au succès, à notre sentiment inné de supériorité personnelle et culturelle, à notre ambition de richesse, de gloire et de puissance ? Seule la graine qui meurt se multiplie. Sommes-nous prêts à suivre le Seigneur à n’importe quel prix ?
En 1850, David Livingstone, l’intrépide pionnier missionnaire en Afrique, écrivit : « Je n’ai jamais fait un sacrifice […] Que jamais nous ne considérions l’obéissance à l’ordre du Roi des rois comme un sacrifice, alors que les hommes du monde considèrent l’obéissance aux ordres de leurs gouvernements comme un honneur […] Je suis missionnaire au plus profond de mon cœur et de mon âme. Dieu n’avait qu’un Fils unique, et il fut missionnaire et médecin. Je ne suis qu’un bien pâle reflet de ce qu’il fut. […] C’est à cette tâche que je veux consacrer ma vie ; c’est en l’accomplissant que je souhaite mourir. »
2.3 La résurrection de Christ : le mandat de la mission
Il est de la plus haute importance de se rappeler que la résurrection a précédé l’ordre missionnaire. C’est le Seigneur ressuscité qui a ordonné aux siens d’aller et de faire des disciples de toutes les nations : « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. » (Marc 16.15) « Que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. Vous êtes témoins de ces choses. » (Luc 24.47-48) « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie […] Recevez le Saint-Esprit. » (Jean 20.21-22) « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Act 1.8) Il ne pouvait pas leur confier cette mission plus tôt, avant d’être ressuscité d’entre les morts et d’être investi de l’autorité suprême : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Mat 28.19-20)
La mission est l’annonce de la Seigneurie de Christ. La résurrection est la clé des deux mouvements:
– C’est le Seigneur ressuscité qui nous envoie dans le monde (effet centrifuge).
– C’est encore lui qui rassemble les gens dans son Église (effet centripète).
2.4 La glorification de Christ : le zèle de la mission
Il ne suffit pas que nous sachions ce que nous devons faire, mais également pourquoi le faire. Lorsque notre motivation est mal fondée, nous perdons rapidement courage. La glorification de Jésus-Christ à la droite du Père, autrement dit à la position d’honneur suprême, constitue la plus forte des incitations missionnaires : « le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute dignité, et de tout nom qui peut être nommé, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir. Il a tout mis sous ses pieds. » (Éph 1.20-22)[4]
Sans aucune gêne ni honte, nous devons dire que les chrétiens devraient proclamer la supériorité de Christ. Dieu veut que tout homme, sans exception, s’incline devant son Fils. Si Dieu a conféré cet honneur suprême à Jésus, et s’il désire que tout être lui rende hommage, le peuple de Dieu devrait partager le même désir. L’Écriture appelle cette attitude « zèle » ou « jalousie » : « Car je suis jaloux de vous d’une jalousie de Dieu, parce que je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure. » (2 Cor 11.2) « J’ai déployé mon zèle pour l’Éternel, le Dieu des armées. » (1 Rois 19.10)
Qu’est-ce qui motive à la mission ? C’est la recherche de la gloire de Dieu et l’honneur dû à son nom : « Si vous portez beaucoup de fruit, c’est ainsi que mon Père sera glorifié, et que vous serez mes disciples. » (Jean 15.8)[5]
2.5 Le don de l’Esprit par Christ : la puissance nécessaire pour la mission
Pendant son ministère public, Jésus avait attiré l’attention sur la nature et le dessein missionnaire du Saint-Esprit : « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. » (Jean 7.38-39) Personne ne peut être habité par le Saint-Esprit et le conserver pour lui tout seul. Là où est l’Esprit, il coule ; s’il ne coule pas, c’est qu’il n’est pas là.
Les Écritures déclarent que Dieu est lui-même le plus grand évangéliste. Car l’Esprit de Dieu est l’Esprit de vérité, d’amour, de sainteté et de puissance ; l’évangélisation est impossible sans le Saint-Esprit. C’est lui qui oint les messagers, confirme leur parole, prépare l’auditeur, convainc le pécheur, éclaire l’aveugle, suscite la repentance et la foi, donne la vie au mort spirituel, ajoute au corps du Christ, communique l’assurance de l’adoption, modèle l’être humain à la ressemblance du Christ et le pousse à accomplir le même service, et l’envoie à son tour pour être témoin de Christ. Dans tout cela, le but essentiel du Saint-Esprit est de glorifier Jésus-Christ en nous le révélant et en le faisant grandir en nous.
2.6 Le retour de Christ : l’urgence de la mission
Sur le mont des Oliviers, les yeux tournés vers le ciel, les disciples avaient reçu l’ordre d’aller jusqu’aux extrémités de la terre. Il leur fut promis que ce Jésus qui venait juste de partir, reviendrait en son temps (Act 1.8-12). Après l’ascension, les anges ont donné à peu près ce message aux disciples : « Vous l’avez vu partir. Vous le verrez revenir. Mais entre son départ et son retour, vous devrez compter sur quelqu’un d’autre. L’Esprit doit venir, et vous, vous devrez aller dans le monde pour le gagner au Christ ».
Jésus a dit que la fin ne viendrait pas avant que la Bonne Nouvelle du Royaume ne soit prêchée à toutes les nations : « Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin. » (Mat 24.14)[6]
Nous avons besoin de retrouver la ferveur qui caractérisait l’attente eschatologique des premiers chrétiens, et en même temps le sens de l’urgence qu’elle leur communiquait : « Connaissant donc la crainte du Seigneur, nous cherchons à convaincre les hommes; […] Car l’amour de Christ nous presse, […] nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! » (2 Cor 5.11, 14, 20)[7]
[1] Voir aussi Ps 2.8, Ps 71.11, És 2.2
[3] Voir aussi 2 Tim 2.10, 2 Cor 4.12
[4] Voir aussi Phil 2.9-10
[6] Voir aussi Marc 13.10
[7] Voir aussi 2 Tim 4.1-2, 2 Pi 3.9-12